L’aventurier handicapé a partagé son parcours de vie lors du Forum Dimo 2019 à Lyon
Mots-clés : #depassementdesoi #résilience #teambuilding
Devant un parterre de 500 personnes organisé par Dimo Software, Philippe Croizon a évoqué pendant une heure non-stop les circonstances de son handicap, les conditions de sa traversée de la Manche mais aussi sa reconstruction. Son parcours de sportif de haut niveau a été long à se dessiner comme il l’a raconté le 11 avril au palais de la bourse de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon. « J’ai d’abord une idée, ensuite je récolte les infos, enfin, j’ai peur mais c’est trop tard car l’aventure est lancée.« Le grand public connaît bien les exploits de l’ex-ouvrier métallurgiste amputé des bras et des jambes. Il a réalisé la traversée de la Manche à la nage (2010), puis 4 traversées pour relier les 5 continents encore à la nage (2012) , puis un Paris Dakar en tant que pilote (2017). Résilience, ténacité, prise de distance et beaucoup d’auto-dérision le rendent éminemment sympathique et émouvant.
Une antenne de télévision a bousculé sa vie à jamais
En 1994, Croizon veut démonter l’antenne de télévision de son ancienne maison en mars 1994. Se hissant sur une échelle d’aluminium, il créé un contact avec la terre, un arc électrique suit et il reçoit 20.000 volts dans le corps. Sans un voisin chaussé de bottes en caoutchouc venu l’éteindre avec un extincteur, il serait mort. Transporté d’urgence par hélicoptère, il subira deux arrêts cardiaques avant d’arriver à Tours. Croizon échange par réflexe un clin d’œil avec le pilote Jean-Philippe Guérin. Ils deviendront amis par la suite et Croizon constatera rétrospectivement que, chaque fois qu’il fait un clin d’œil à quelqu’un, ils deviennent super potes ensuite. De l’humour , même dans le tragique.
Le pire des poisons qui puisse exister, c’est de ne pas parler
Désormais handicapé, Croizon a été confronté à 5 phases : négation, négociation, dépression, colère et, enfin, acceptation. Il n’y a pas d’ordre prédéfini, ni de durée. On peut rester bloqué sur une phase toute sa vie. Sa famille et ses amis ont été ses premiers facteurs de résilience. Sa phase de colère n’est survenue que 7 ans après son accident. Son fils est né quand Croizon est revenu à lui deux mois plus tard. Sa grand-mère l’a encouragé sur son lit d’hôpital (« Reviens, je te ferai du fromage blanc et de la banane écrasée comme quand tu étais petit « ). Son père a exigé à famille et aux amis de ne montrer aucune tristesse afin de protéger Philippe. « Tout le monde avait soudain envie d’un café ou d’une cigarette. Personne ne pleurait. Cela signifiait qu’il fallait que je sois fort aussi. Et on a joué de rôle pendant 7 ans » raconte l’aventurier.
Croizon va fonctionner par objectifs à atteindre pour continuer à vivre
Croizon a séjourné pendant 18 mois dans un centre de rééducation du le Val-de-Marne à 300 kms de sa famille. Il s’est forgé un mental, surtout en apprenant que son bébé marcherait avant lui. « Dans 5 mois, c’est les 50 ans de mariage de mes grands-parents. Je veux que ma grand-mère me voie marcher ! » s’exclame-t-il devant un médecin dubitatif. Celui-ci a pu trouver une chambre pour accueillir les proches, ce qui lui donna un surplus d’énergie. Premier pari réussi. Il a pu embrasser sa grand-mère à Saint-Rémy-sur-Creuse, là où avait eu lieu l’accident. Par la suite, il intégrera un centre de rééducation en Bretagne où il rencontrera son mentor. Cet homme l’encouragera à devenir l’autonomie dans des gestes simples du quotidien (manger, uriner…) et à se réapproprier sa vie : « l’impossible, c’était juste nous ! ».
J’ai eu ma phase « gros con »
Or, le retour à la vraie vie à été rude. Il reconnaît être devenu accro à la télévision. Son épouse l’a quitté sept ans après l’accident, n’assumant plus son rôle d’aide-soignante. « J’ai eu ma phase gros con » avoue-t-il penaud. La dépression a duré de 7 ans et une terrible colère a entraîné des velléités de suicide. Puis, Croizon a accepté de travailler avec des psys pour se reconstruire et lever la pesanteur de la non-communication dans sa famille. Ensuite, il a décidé de poursuivre son chemin de vie sentimentale. Sur les sites de rencontres, sa photo ne montrait que son visage. Si les dames appréciaient son humour, elles disparaissaient quand il révélait sa situation. Puis Suzanna est entrée dans sa vie et ils sont ensemble depuis 13 ans. « Tout est possible, parce que j’ai osé, j’ai tenté ma chance et à partir de ce moment-là, j’ai compris que ça fonctionnait ! ».
Un saut en en parachute va déclencher un processus irréversible
Une journaliste de France 3 venue le voir réaliser un saut en parachute – cadeau de son fils aîné Jérémy – lui demande quel sera son prochain rêve. Ayant vu l’exploit de Marion Hans, 17 ans et première française à avoir réussi la traversée de la Manche, Croizon évoque spontanément ce rêve. Invité sur le plateau de cette même chaîne quelques mois plus tard, on lui demande la date de sa traversée de la Manche à la nage ! Sans se démonter, il bluffe et affirme avoir le soutien de son département et que des ingénieurs travaillent sur des prothèses spéciales, sachant qu’aucune de ces affirmations n’était vraie. De plus, il ne savait même pas nager ! Or, « La Manche, c’est l’Everest de la natation, près de 700 personnes tentent la traversée annuellement. Le taux de réussite chez les valides depuis 1875 est de 10% dans une eau à 14 degrés ».
Pas de secret dans une équipe
Le président du département Claude Bertaud n’a pu que soutenir le projet et impulser le financement nécessaire à la constitution d’une équipe dédiée au projet : Valérie Carbonnel – un Philippe Lucas au féminin – sera son entraîneure. Il y aura aussi Arnaud Chassery et Jacques Tuset, deux nageurs ayant réussi la fameuse traversée, puis l’ancien kiné de l’équipe de France de football. Son cardiologique trouvait le cœur de Croizon trop gras, Valérie Carbonnel a voulu renvoyer l’apprenti nageur chez lui plusieurs fois. L’aventurier en herbe s’est accroché en se donnant deux ans pour se préparer, et en exigeant la plus grande transparence au sein de l’équipe . Tout le monde avait le droit à la parole lors des réunions mensuelles. Ego, problème de cœur, tout pouvait être évoqué, 7 ans de silence lui avaient servi de leçon. Il a fallu un an et demi supplémentaire de travail.
Une traversée de la Manche épique
Le grand jour arrive le 18 septembre 2010 à 3 heures du matin à Folkestone. Croizon, hyper sensible, ne voulait aucune émotion. Grâce à la sophrologie, il a appris à gérer son émotivité et à respirer. Une larme aurait suffi à le faire craquer, surtout en présent de son fils aîné, sachant que tous ses proches l’attendaient côté français. « 150 personnes ont travaillé sur le projet en deux ans, des élus, des gendarmes, des sponsors, des ingénieurs. Pour toutes mes aventures, je n’ai jamais trouvé un partenaire en envoyant un mail ni en passant un coup de téléphone. Il y a toujours eu une rencontre humaine. » On vit la traversée avec lui, avec son épouse et l’équipe sur le bateau. On vibre en écoutant l’épopée, la tempête et les creux de vagues de 2 mètres et le final, quand l’aventurier manque de s’écraser sur les récifs du Cap Gris-Nez.
Tout le monde peut changer
Un exploit de 13 heures et 26 minutes. Standing ovation de 500 personnes avec des yeux humides mais aussi de grands sourires dans le public. Comment, bien modestement, ne pas se reconnaître en Philippe Croizon ? Par-delà le handicap, son histoire est universelle : tout le monde a vécu une période de « gros.se con.ne », tout le monde est passé par des moments de dépression, tout le monde a eu des velléités de changements apparemment impossibles. Le sport l’a aidé à se reconstruire et à accepter son nouveau schéma corporel. « Demander de l’aide, c’est un moment de partage et non un déshonneur ».
Il ne reviendrait pas à sa vie de valide car il estime avoir réalisé quelque chose de valable de sa « nouvelle vie ». Ses prochains défis : un Paris Dakar en 2020 avec ses deux enfants – la transmission du « Tout est possible » pour les nouvelles générations – et l’écriture d’un one-man show avec le comique Jérémy Ferrari.
3 CHOSES A RETENIR
- Un traumatisme (deuil, perte d’emploi, divorce…) intègre 5 phases : négation, négociation, dépression, la colère et acceptation. On peut rester bloqué sur une phase toute sa vie.
- Le crédo de Croizon : « J’ai d’abord une idée, ensuite j’ai les infos, enfin, j’ai peu mais c’est trop tard, l’aventure est lancée.«
- Dans une famille, une équipe, le pire des poisons qui puisse exister, c’est de ne pas se parler.
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